• L'antisémitisme dans le stade ou l'image de la France d'aujourd'hui

    Par David Alia

     

    Je vais vous la jouer comme Beckham classique : j’ai une bonne et une mauvaise nouvelle, je commence par laquelle ?

    87 % des sondés préfèrent commencer par la bonne, estimant que l’endorphine sécrétée par icelle atténuera la tristesse de l’annonce de la mauvaise. Nous allons tenter l’expérience.

    La bonne nouvelle

    J’étais au fameux match PSG - Hapoel Tel Aviv du jeudi 23/11 dernier. Dans la tribune collée à celle d’Auteuil. Alors pour les néophytes du football (dont je faisais partie il y a encore quelques jours), on distingue au Parc des Princes deux types de gros cons tarés écervelés : le kop de Boulogne, crâne rasé, bras droit tendu, ce sont les nazillons dont la presse a abondamment parlé. La tribune d’Auteuil, à l’autre extrémité du stade, ce sont les gentils supporters, concons mais gentils. Ils sautillent en chantant gaiment des chansons, ils insultent l’équipe extérieure mais après tout, on est au foot.

    La bonne nouvelle est donc maigre, mais elle m’a terriblement ravi : Hapoel Tel-Aviv bat le PSG par quatre buts à deux, quatre buts magnifiques devant une équipe du PSG fébrile voire inexistante. Hapoel Tel-Aviv, à poil PSG !

    La mauvaise nouvelle

    La mauvaise nouvelle, c’est que ce que vous a raconté la presse est ignoblement faux. FAUX. Et je pèse mes mots volontairement.

    La presse a voulu nous et vous faire croire que le “dérapage” mortel de jeudi dernier était dû à la violence nauséabonde (car brutale mais surtout raciste) d’un groupe de hooligans du kop de Boulogne. Certains titres sur le net fleurissent sous la bride “hooliganisme”.

    Ceci, amis lecteurs, est FAUX. Je le redis encore une fois, ceci est archi-faux et quelqu’un se devait de le dire. Je pense que nombre de spectateurs dans le stade le feront également sur les médias idoines, mais je profite du support de mon blog pour l’affirmer encore une fois : le match de jeudi dernier ne s’est pas conclu par un affrontement entre des hooligans cinglés et furieux et un pauvre juif, aidé courageusement par un policier martiniquais providentiel.

    Ce match était le plus grand déferlement de haine anti-juive qu’il m’ait été donné de voir en direct live. Je le redis parce que vous devez écarquiller vos yeux en ce moment : ce match était le plus grand déferlement de haine anti-juive qu’il m’ait été donné de voir en direct live.

    Tout d’abord une précaution. Ceux qui me lisent régulièrement interpréteront ce qui va suivre, j’en suis sûr, positivement. Que les lecteurs ponctuels ou instables me permettent de préciser qu’il a toujours été prôné et vanté ici le respect entre les peuples, et principalement le respect entre les hommes (ou femmes) quels qu’ils soient. Enfin, que cet article n’est ni un acte de propagande ni une histoire pour faire peur aux enfants lorsqu’ils sont trop bruyants. Juste un témoignage vrai et douloureux.

    Peut-être que tout ceci n’aurait pas eu lieu si le PSG avait gagné. Pour ma part, que cette équipe gagne ou perde, je m’en bats les roubignolles comme dit mon beau-frère, 22 ans, fan du PSG et présent le soir du match. Peut-être, admettons. Pourtant…

    Nous étions un groupe de dix, deux filles, deux séniors, une rimbambelle de jeunes échelonnée de 35 à 18 ans. L’un d’entre nous avait apporté un drapeau israélien, que nous avons agité timidement lors des deux derniers buts.

    Juste derrière nous, la tribune Auteuil. En haut des gradins, des jeunes avec des drapeaux palestiniens et libanais exhibés avec fierté. Qu’est-ce qu’ils font là ? Qui comptent-ils narguer ?

    Mais restons factuels. Pendant le match, je vois les insultes fuser entre le balcon haut et le balcon bas. Des doigts d’honneur à tout bout de champ. Les supporters juifs français sont désignés, j’entends vociférer des trucs incroyables, tellement incroyables que la sécurité du stade est intervenue de manière préventive pour empêcher des types de franchir des barrières pour jouer des coudes et des poings.

    Le match se termine dans une minute. En sortant à la dérobée, vous avez bien lu, nous avons dû sortir avant la fin du match, nous nous scindons en deux petits groupes pour ne pas attirer l’attention. Les supporters “modérés” partent également. Nous accélérons la cadence. Nous sommes dehors, tribune G, à deux cents mètres du métro. La foule commence à grossir, le match est terminé. Des commentateurs de fortune pestent contre l’équipe pourrie et l’entraîneur qui devrait démissionner. La place est peu éclairée, en retrait des routes principales. Nous baissons la tête et nous nous écartons des endroits sombres.

    Et puis, ça a dégénéré.

    On entend crier “Palestine“, “Ils sont où vos drapeaux maintenant ?” ou “Allez les juifs, vous faites moins les malins maintenant !“. Les types sont derrière moi. Une écharpe du PSG autour du visage ou du cou, ils cherchent l’altercation. Les embrouilles, la castagne comme on dit. Sauf que la castagne, ça peut être pour ma gueule vu qu’ils sont juste sur mes talons.

    “Vous êtes où les juifs hein ?” continuent-ils à brailler. C’est un groupe de jeunes arabes qui s’approchent d’une fille, probablement juive, qui téléphone et qui lui balancent une claque dans la figure. “Ils sont où vos drapeaux hein ?“, je les entends dans mon oreille, je rentre la tête dans mon blouson, je m’écarte sans courir et me dirige vers le métro. Sur toute la route, pas un policier. PAS UN.

    L’autre moitié de notre groupe avait avancé séparément. Un père avec ses deux enfants (18 et 20 ans), et ses deux gendres. A quelques mètres de la police, à la porte de Saint-Cloud, Anthony (20 ans) se fait happer par un groupe de 4 jeunes. Ce ne sont pas des fachos, des skin heads, des lepénistes, non. Ce sont des fans moyens du PSG, arabes, haineux et déchaînés. Anthony se prend des coups au visage et dans le ventre. La famille le récupère tant bien que mal et se précipite vers la police, immobile, inactive. Ils sont attérés.

    Je rentre chez moi par le bus, je me cache. Je le redis encore une fois : en 2006, en France, dans un bus public, je me cache d’être juif de peur de me faire prendre à parti (terme politiquement correct pour bastonner). Vous allez me dire : mais ce n’est pas écrit sur ta figure que tu es juif ! Erreur, lourde erreur. D’abord j’ai un gros nez. Ensuite, j’apprends par un collègue qui était au match, non-juif mais supporter inconditionnel du PSG, que certaines personnes qui portaient le maillot PSG mais “d’allure juive” ont également été frappées.

    La bête est revenue, chantait l’ami Pierre Perret. En pensant étroitement aux fachos et leur tête pensante à l’oeil de verre. Mais l’hydre a plusieurs têtes, et ce soir-là, c’était un visage horrible que j’ai reconnu, celui de la haine sans concession d’acteurs du paysage français que nous cotoyons quotidiennement. Ceux que les médias appellent les jeunes ou les racailles, qui entretiennent et vouent une haine inconditionnelle à ceux que les médias pointent délicatement sous le terme “d’Israélites”.

    Vous ne le savez peut-être pas, ami(e) lecteur(e), mais depuis quatre jours, je n’ai pas entendu un seul juif, PAS UN SEUL, qui n’ait pas parlé de ce match, qu’il y ait été présent ou non. C’est une vraie déchirure, un vrai traumatisme que toute la communauté a ressenti depuis la semaine dernière et si les informations de 20h ou votre journal favori n’en parlent pas, il est grand temps que la vérité éclate. A travers de nombreux témoignages comme le mien que vous trouverez probablement sur le net ou en vous adressant au juif le plus proche de chez vous.

    Que faire alors ? Fuir, se barrer en Israel, au Canada, aux Etats-Unis ? Résister et se battre avec des gars du Bétar ? Vivre la tête baissée dans sa capuche, honteux ? Vous me croyez si je vous dis que j’ai une boule dans l’estomac et un noeud dans le coeur depuis quatre jours ?

    Et le pompon sur le gâteau : à la sortie du match, j’entends un supporter éclairé déclamer “quels sales juifs, ils nous ont mis 4 buts”. Quelle ironie, ce ne sont pas des Juifs qui ont joué mais des Israéliens. Et les buts ont été inscrits par deux joueurs Arabes, ne serait-ce que pour prouver que cette vie harmonieuse est possible, et de surcroît dans le sport.

    Ben finalement j’aurais peut-être dû commencer par la mauvaise nouvelle tiens. Ca nous aurait laissé un peu d’espoir sur la fin.

    Parce que là, l’espoir…


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