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    Alexandre Yudkewicz - Interrogé en 1965 quant au fait de savoir qui et comment avait-on décidé d’appeler le jeune Etat naissant ‘Etat d’Israël’, le ‘Vieux Lion’, David Ben Gourion, répondit qu’il ne s’en ‘souvenait plus’. La croyance populaire voulait jusqu’alors (et parfois même encore aujourd’hui) que c’est le dirigeant mythique du nouveau yshouv qui inventa le nom, adopté immédiatement par la ‘Minhelet HaAm’, la ‘Direction populaire’, le proto-gouvernement qui gérait la population juive avant la déclaration d’Indépendance.

    Dans son édition spéciale publiée à l’occasion de Yom Hatzmaout, le quotidien Haaretz relate l’histoire de l’invention du nom ‘Etat d’Israël’, qui pour la plupart d’entre nous, disons pour tous ceux nés après 1948 et même pour ceux nés après les débuts de la Seconde Guerre Mondiale, paraît pourtant avoir toujours existé, comme allant de soi.

    De nombreux candidats au titre d’inventeur du nom du nouvel Etat se sont fait connaître, mais force est de constater que le premier article analysant la question du nom à attribuer au Foyer National Juif qui prendrait son indépendance fut publié le 5 décembre 1947 par l’hebdomadaire ‘Moznayim’, sous la plume d’Aharon Réouveni (1886-1972). Ce dernier, jeune frère du second président de l’Etat, Yitzhak Ben-Zvi, fut un écrivain talentueux, mal aimé par la critique mais estimé par ses pairs. Le romancier à succès Yossef Haïm Brenner le considérait comme un ‘grand talent’. Réouveni témoigna plus tard que dès le vote du 29 novembre 1947 à l’ONU, la question du nom du futur Etat le taraudait.

    Voici quelques extraits de cet article historique publié le 5 décembre 1947 par ‘Moznayim’:
     
    «Que devrait-être le nom de l’Etat? Il ne peut s’appeler que l’’Etat d’Israël’, en raccourci: Israël.
     
    «Pourquoi pas Eretz Israël? Ou Judée? Ou Zion? Ou Yeshouroun? Ou l’Etat Juif? Ou l’Etat Hébreu?
     
    «Il ne peut s’appeler ‘Eretz Israël’ car il ne comprendra pas tout ce territoire, ni même sa majeure partie,  ni même sa moitié. Et puis quand bien même l’Etat serait-il constitué de la moitié d’Eretz Israël, on ne pourrait l’appeler ainsi. Parce que même après avoir établi un état sur une partie du territoire, nous ne cesserions pas d’appeler l’ensemble du Pays d’Israël ‘Eretz Israël’. Cela porterait à confusion. Il faudrait toujours expliquer, lorsqu’on parlerait d’’Eretz Israël’ si on veut parler de l’Etat ou de la réalité géographique de l’ensemble du territoire.
     
    «Pourquoi pas alors ‘Judée’? Pour la même raison: la Judée est une partie d’Eretz Israël. La Judée ne peut être déplacée. Comment un Etat qui n’inclût pas la totalité de Jérusalem ni Hévron ou les collines de Judée pourrait-il s’appeler ‘Judée’? Nous aurions deux choses désignées par le même nom.
     
    «Zion est un nom symbolique, sans fondement politique ou officiel. Il en est de même de Yeshouroun, et cela non plus ne convient pas à un pays réel.»
     
    L’auteur élimine successivement les hypothèses ‘Etat Juif’ et ‘Etat Hébreu’, arguant que pour ce dernier qu’Avraham était un hébreu avant que le Peuple Juif ne naisse. Quant à ‘Etat Juif’, Réouveni écrit alors: «Les communautés en exil s’appelaient ‘Kehilot Israël’. L’individu est Juif, mais l’entité est Israël»
     
    Aussi conclut-il son article, quelques jours après le vote de l’ONU autorisant la création d’un Etat juif et cinq mois environ avant la déclaration d’Indépendance: «Le seul nom possible selon moi est celui d’’Etat d’Israël’.» Et vous connaissez la suite…




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