• La naissance du sionisme

     

    La Révolution française a émancipé les juifs. Entre 1789 et les unifications allemande et italienne un siècle plus tard, le ghetto économique et intellectuel a disparu. Mendelssohn, Heine et Marx, tous trois juifs, étaient des représentants de la culture allemande. L’antisémitisme était répandu, il y avait même des pogroms, mais cela se passait en Russie, où le poids du féodalisme se faisait encore sentir et où le capitalisme moderne avait à peine mis le pied. Quand le capitalisme devint sénile et décadent, en particulier après la grande dépression de 1929, il se retourna contre l’œuvre démocratique de sa jeunesse. Les juifs ne furent alors plus rejetés dans le ghetto, mais bien pire - dans les chambres à gaz.

    Entre ces deux périodes, la France avait connu un terrible épisode antisémite. En 1895, un officier juif, Dreyfus, fut accusé d’être un espion allemand. Ce qui avait commencé comme un procès - chasse aux sorcières dégénéra en hystérie collective contre les juifs. Cette vague d’antisémitisme était le sous-produit de la bataille que se livraient l’impérialisme français naissant et l’empire germanique. Un journaliste viennois en résidence à Paris à l’époque, Theodor Herzl, tira des événements la conclusion que l’antisémitisme était naturel et inévitable. Il écrivait en juin 1895 :

    « A Paris, comme je l’ai dit, j’ai fini par adopter une attitude plus libérale envers l’antisémitisme, que je commençai alors à comprendre historiquement et à pardonner. Par dessus tout, je reconnus la vacuité et la futilité de toute tentative de ‘combattre l’antisémitisme. »

    Hertzl critiqua Zola et d’autres Français, essentiellement des socialistes, qui prenaient la défense de Dreyfus. Il se plaignait que les juifs

    « rechercheraient la protection des socialistes et des destructeurs de l’ordre social existant… En vérité, ce ne sont plus des juifs. Assurément, ils ne sont pas davantage français. Ils vont probablement devenir les dirigeants de l’anarchisme européen ».

    Son opinion était qu’en réponse à l’antisémitisme les juifs devaient quitter les pays où ils étaient indésirables et fonder leur propre Etat. Dans cet effort, déclara-t-il, « les antisémites seront nos amis les plus sûrs… nos alliés ». Il alla jusqu’à rencontrer le ministre de l’Intérieur du tsar, Plehve, celui-là même qui avait organisé le pogrom de Kichinev en 1903. L’appât qu’il agita devant lui était que la sortie des juifs de Russie affaiblirait le mouvement révolutionnaire, le pire ennemi de Plehve.

    Si l’antagonisme entre juifs et non-juifs est donc ainsi inévitable, il en va bien évidemment de même pour l’antagonisme entre juifs et arabes en Palestine. Dans la définition de Herzl, le sionisme consistait à « donner une terre sans peuple à un peuple sans terre. » .





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