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    Le cas Eichmann...

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    Eichmann met toutes ses capacités au service de la réalisation de la Solution finale. Assumant sa tâche d’une manière très efficace, il voyage à travers le Reich et le Gouvernement général pour coordonner les déportations, résoudre les inépuisables problèmes logistiques des transports et assurer un approvisionnement régulier en convois de déportés vers les camps d’extermination. Il envoie à l’extérieur du Reich des représentants de confiance, ses "conseillers pour les affaires juives", pour organiser les déportations au niveau local et les harcèle s’ils ne font pas suffisamment vite de progrès à son gré. Il n’hésite pas à abreuver d’injures les fonctionnaires qui se dérobent ou tergiversent. Même s’il n’a jamais été un antisémite fanatique, ni tué lui-même un seul Juif, il fait preuve d’un zèle sans faille et se plaint souvent auprès de ses supérieurs des lacunes du système ainsi que du manque de coopération des Italiens et des autres alliés de l’Allemagne qui lui empêche d’atteindre les quotas fixés. Eichmann organise également la déportation des Polonais, des Slovènes et des Tziganes vers les camps de concentration et d’extermination.

     

     

    Jusqu’à la fin du Reich, Eichmann se consacre à la tâche qui lui a été fixée. Le 19 mars 1944, les troupes allemandes occupent la Hongrie. Le même jour, il se rend à Budapest avec une section spéciale pour superviser personnellement la déportation des Juifs hongrois et accélérer le processus d’extermination. Il s’agit de la dernière grande communauté juive d’Europe, forte d’environ 725.000 membres. En l’espace de quelques semaines, à partir du 5 avril 1944, plus de 437.000 Juifs hongrois sont déportés à Auschwitz-Birkenau, la moitié d’entre eux étant gazés à leur arrivée. En août 1944, Eichmann peut rapporter à Himmler que 4 millions de Juifs environ ont été exterminés dans les camps de la mort et que deux autres millions ont été tués par les unités mobiles d’extermination. A la fin de l’année 1944, alors que les troupes soviétiques approchent de Budapest, Himmler donne l’ordre de cesser les déportations. Mais, couvert par ses supérieurs immédiats Müller et Kaltenbrunner, Eichmann ignore l’ordre du Reichsführer. Il expédie un dernier convoi à la chambre à gaz et organise le regroupement de 50.000 Juifs qui sont contraints de rejoindre l’Autriche à pied au cours d’une marche de la mort de huit jours.

     

     

    Après la capitulation du Reich en mai 1945, Eichmann est arrêté sous une fausse identité par les troupes américaines et interné dans un camp de prisonniers. Mais par deux fois il réussit à s’évader. De 1946 à 1950, réfugié en Autriche avec des papiers falsifiés, l’ancien SS travaille dans une scierie allemande. Sa femme Vera a elle aussi rejoint l’Autriche avec ses trois fils, où elle vit sous son nom de jeune fille. En 1948, elle tente de faire passer son époux pour mort, sans doute à l’instigation d’Eichmann lui-même, en demandant au tribunal civil de sa résidence de reconnaître officiellement son décès. A l’appui de sa requête, elle présente une déclaration signée d’un employé au ministère tchécoslovaque de l’agriculture, Karl Lukas, jurant avoir vu le cadavre d’Eichmann à Prague le 30 avril 1945. Mais Simon Wiesenthal, ancien architecte juif polonais rescapé des camps qui se consacre depuis sa libération à la recherche des criminels nazis, informé de la demande de Vera Eichmann, lance une fructueuse contre-enquête. Après 15 jours de recherche, il est en mesure de produire la preuve que Karl Lukas n’est autre que le mari d’une sœur de Mme Eichmann, ainsi que les dépositions écrites de plusieurs témoins affirmant sous serment avoir vu Eichmann vivant après le 30 avril. La requête de Vera Eichmann est rejetée, son mari reste sur la liste des personnes recherchées.

     

     

    Après un temps d’errance, qui le conduit peut-être au Moyen-Orient et en Italie, Eichmann émigre en Amérique du Sud avec l’aide d’un mouvement clandestin d’ancien SS. A Gênes, un moine franciscain lui procure un faux passeport au nom de Ricardo Klement, ce qui lui permet d’obtenir un visa pour l’Argentine pour laquelle il s’embarque le 14 juillet 1950. Il s’installe à Buenos Aires sous son nom d’emprunt. A Pâques 1952, sa femme Vera, nantie d’un passeport à son nom de jeune fille, le rejoint avec ses trois enfants. Sur place, Eichmann monte une affaire de blanchisserie puis d’élevage de lapins, mais fait faillite par deux fois. Il trouve ensuite du travail comme vendeur dans une succursale de Daimler-Benz. Il coule alors des jours tranquilles durant plusieurs années.

     

     

    Simon Wiesenthal n’a cependant pas abandonné tout espoir de le retrouver. A la fin de l’année 1953, par l’intermédiaire d’un ami, il apprend qu’Eichmann est à Buenos Aires. Wiesenthal en informe le consulat israélien de Vienne et le Congrès juif mondial à New York. Sans effet. Mais à l’automne 1957, Walter Eytan, du ministère israélien des Affaires étrangères, reçoit un appel de Fritz Bauer, le procureur de la province de Hesse, en Allemagne, lui annonçant qu’Eichmann est toujours vivant et réfugié en Argentine, informations qui recoupent celles apportées précédemment par Wiesenthal. Eytan alerte immédiatement Isser Harel, le chef du Mossad, les services secrets israéliens. Déterminé à capturer Eichmann, Harel obtient du Premier ministre David Ben Gourion l’autorisation de le rechercher et de le capturer. Les investigations sont longues, le "spécialiste" a brouillé les pistes ; il a même fait enlever le tatouage que tout SS avait sous l’aisselle gauche. A la fin de l’année 1959, les Israéliens découvrent le nom d’emprunt d’Eichmann. Apparemment, ses fils utilisent parfois leur véritable nom de famille. Le Mossad suit la piste de l’un de ses fils qui les conduit au domicile d’Eichmann, rue Garibaldi, dans le quartier San Fernando de Buenos Aires. Mais les agents israéliens n’ont toujours pas la preuve qu’il s’agit bien de lui. Ils l’obtiennent le 21 mars 1960, date d’anniversaire de mariage des Eichmann, lorsque devant son domicile, Ricardo Klement offre un bouquet de fleurs à sa femme, en présence de ses enfants habillés spécialement pour l’occasion.

     

     

    Averti, Isser Harel se rend en Argentine pour superviser personnellement la capture d’Eichmann. Sous la direction de Peter Malkin, 30 agents sont réunis pour l’opération dont un nombre important d’anciens déportés. Le 11 mai 1960, à 20 h 05, l’équipe du Mossad passe à l’action. Eichmann est kidnappé sans difficulté à sa descente du bus près de son domicile et n’essaie que brièvement de cacher son identité avant de coopérer. Après l’avoir gardé une semaine dans une maison sûre, le Mossad lui fait quitter l’Argentine le 20 mai, sur un vol d’El-Al partant de Buenos Aires. Drogué, à demi conscient, déguisé en membre du personnel navigant d’El-Al souffrant de troubles de la mémoire et encadré par deux agents israéliens, Eichmann est exfiltré vers Tel-Aviv. Le 23 mai 1960, Ben Gourion annonce devant la Knesset, le parlement israélien, la capture et le futur procès d’Eichmann. Celui-ci sera jugé selon la loi de 1950 sur le châtiment des nazis et des collaborateurs. Cette loi condamne les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité et les crimes contre le peuple juif, tous crimes passibles de la peine de mort. L’enlèvement de l’ancien lieutenant-colonel SS provoque un incident international. L’Argentine, indignée de la violation de son territoire par les agents israéliens, exige alors en vain le retour immédiat d’Eichmann à Buenos Aires.

     

     

    La préparation du procès dure de longs mois, au cours desquels plus de 1.500 documents et témoignages sont rassemblés et triés. Interné à la prison de Haïfa, Eichmann est interrogé par le commandant Avner Less, un officier israélien d’origine allemande dont la mère avait été déportée à Auschwitz. C’est un prisonnier modèle qui se montre très coopératif. Le procès débute le 11 avril 1961 devant le tribunal de district de Jérusalem. La cour est présidée par le juge Landau, assisté de Benjamin Halévy et d’Isaac Raveh, le ministère public étant représenté par le procureur Gidéon Hausner. De son côté, sur les conseils de l’un de ses demi-frères, Eichmann a choisi comme avocat maître Servatius, avocat au barreau de Cologne, qui bénéficie d’une solide expérience dans la défense des criminels de guerre. Une loi d’exception a été votée par la Knesset pour lui permettre de s’inscrire au barreau de Jérusalem et l’État israélien s’est engagé à lui payer ses honoraires et ses frais. Les débats se font en hébreu, les propos étant traduits en allemand pour l’accusé, langue que parlent eux-mêmes les juges et le procureur puisqu’il s’agit de leur langue maternelle. Le procès, entièrement filmé sur décision du gouvernement israélien, est retransmis jour après jour par les télévisions du monde entier. Israël veut faire de ce procès un "Nuremberg du peuple juif" comme le déclare le Premier ministre Ben Gourion.

     

     

    Eichmann est inculpé de 15 chefs d’accusation. Huit contre les Juifs de 18 pays d’Europe : meurtres par millions, blessures morales et physiques, réduction en esclavage et à la famine, spoliations ; quatre contre les non- Juifs : meurtres de Tziganes et de Slovènes, déportation de 1,5 million de Polonais, déportation des enfants du village tchécoslovaque de Lidice ; trois pour appartenance au NSDAP, à la SS et au SD. Eichmann plaide non coupable pour chacun d’entre eux, selon la formule employée par les accusés de Nuremberg : "Au sens où l’entend l’accusation, non coupable". Les débats durent un peu plus de 4 mois, jusqu’au 14 août. L’accusé est le premier témoin cité, le ministère public faisant entendre des extraits des enregistrements faits par le commandant Less. Eichmann ne parle lui-même qu’à partir du 20 juin, lorsque débute sa défense, après avoir écouté sans manifester ni émotions ni remords la centaine de témoins, dont un grand nombre de rescapés des camps, venus déposer devant la cour. Tout au long du procès, il déploie son zèle habituel, prend des notes, compulse ses dossiers, répond aux questions posées. Son système de défense est construit sur une idée simple : en tant que fonctionnaire subalterne du SD, il n’a fait qu’obéir aux ordres donnés : "Je tiens à déclarer que je considère ce meurtre, l’extermination des Juifs, comme l’un des crimes majeurs de l’Humanité (...) mais à mon grand regret, étant lié par mon serment de loyauté, je devais dans mon secteur m’occuper de la question de l’organisation des transports. Je n’ai pas été relevé de ce serment... (...) Je ne me sens donc pas responsable en mon for intérieur.(...) J’étais adapté à ce travail de bureau dans le service, j'ai fait mon devoir, conformément aux ordres. Et on ne m’a jamais reproché d’avoir manqué à mon devoir".

     

     

    A la fin des débats, le jugement est mis en délibéré. Les séances du verdict ont lieu du 11 au 15 décembre 1961 : Eichmann est reconnu coupable de tous les chefs d’accusation. Le 15 décembre, "le tribunal condamne Adolf Eichmann, reconnu coupable pour ses crimes commis contre le peuple juif, pour ses crimes commis contre l’Humanité, pour ses crimes de guerre, à la peine de mort". A l’énoncé du verdict, l’accusé proclame que ses espoirs en la justice ont été déçus. Il se déclare lui-même comme étant une victime du système nazi dont il n’était qu’un rouage et affirme avoir été victime d’une erreur de jugement. Il fait appel, mais le jugement est confirmé le 28 mars 1962. Eichmann présente alors un recours en grâce devant le chef de l’État, mais Ben Gourion rejette le recours le 30 mai 1962. Eichmann est pendu le lendemain 31 mai, aux alentours de minuit, à la prison de Ramleh. Ses derniers propos auraient été : "J’ai obéi aux règles de la guerre et à mon drapeau. Je suis prêt". Ses cendres sont dispersés en Méditerranée, en dehors des eaux territoriales israéliennes.

    En 1999, Eliakim Rubinstein, conseiller juridique au gouvernement israélien autorise la publication des souvenirs qu’Eichmann avaient rédigés durant les 4 mois entre la fin de son procès et son exécution et qui avaient été conservés depuis aux Archives nationales. Dans ce document, après avoir évoqué le paradis perdu qu’est pour lui la période de l’avant-guerre ("J’avais l’idéal romantique de l’homme simple"), Eichmann minimise ses propres responsabilités, se décrivant volontiers comme un rouage de la machine d’extermination. Se présentant sous l’aspect d’un humaniste et même d’un ami des Juifs, il rappelle avec insistance sa proposition de faire émigrer les Juifs à Madagascar. Il affirme aussi ne s’être rendu dans les différents lieux d’extermination que sur ordres de ses supérieurs et n’avoir pu tenir face aux exécutions que par l’absorption d’une quantité phénoménale d’alcool et de cigarettes. Ses regrets sont cependant de pure circonstance : en 1960, le magazine américain Life avait publié les entretiens tenus en Argentine peu avant son arrestation entre Eichmann et un journaliste hollandais Wilhem Zassen, ancien collaborateur, au cours desquels l’ancien SS aurait déclaré : "Je dois avouer, si nous avions réussi à tuer les dix millions de Juifs qui vivaient en Europe en 1933, j'aurais pu dire : excellent, nous avons détruit l'ennemi".

    © Anovi - 2004





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