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    Considérons le discours « antiguerre » des premiers mois de 2003 à travers le matériel constitué par les appels aux manifestations, les tracts distribués, les banderoles et les pancartes brandies, les slogans proférés. Non seulement l’intervention militaire anglo-américaine contre le régime de terreur de Saddam Hussein a été assimilée aux réactions israéliennes contre les terroristes palestiniens, mais aussi et surtout les Israéliens, et plus largement les représentants du mythique « sionisme mondial », ont été accusés d’être à l’origine de la nouvelle « guerre d’Irak ».

    Des listes de conseillers du président américain, « juifs », « sionistes » ou « proches du Likoud », ont circulé sur Internet, et la presse, même la plus « respectable », a relayé ces accusations ou ces soupçons, visant un Bush manipulé par « les Israéliens » ou des « conseillers juif ». A l’amalgame polémique « Bush = Sharon » (également et semblablement « assassins ») s’est ajoutée une vision conspirationniste, que traduisent diverses images schématisantes: du « complot américano-sioniste » (où les « sionistes » sont censés rester dans l’ombre, ou agir de façon occulte) à « Bush valet de Sharon ».

    Les Juifs, une fois de plus, sont ainsi désignés comme les vrais responsables d’une guerre, et d’une guerre qui, dans le contexte géopolitique contemporain, affecte le système mondial des États. Une nouvelle guerre sinon mondiale, du moins mondialisée à bien des égards.

    La croyance à l’action des démons, censée expliquer l’origine des malheurs des humains, donne son assise à la judéophobie « antisioniste ». La fixation de la haine « antisioniste » sur un Sharon nazifié (et, entant que tel, devenu synecdoque de l’État « raciste » et « fasciste » d’Israël) permet de formuler un slogan de ce type: « Hitler en a oublié un: Sharon », slogan justifiant le génocide nazi des Juifs qu’ont osé crier des milliers de manifestants lors d’une manifestation en faveur de la Palestine, à Amsterdam, en avril 2002. La dénonciation néo-gauchiste de la « Busherie » peut ainsi glisser vers les « antisionistes » de l’autre bord, les néo-fascistes de l’hebdomadaire Rivarol, jubilant de pouvoir enfin dénoncer, en phase avec une importante partie de « l’opinion mondiale », la « Busherie kasher ».





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