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    La récurrence de ce type d’accusation mérite d’être prise au sérieux et interrogée. De la « guerre juive » à « l’agression américano-sioniste »: persistance et métamorphose d’un stéréotype accusatoire, à travers lequel s’opèrent la criminalisation et la diabolisalion des « Sages de Sion » sous les multiples noms dont on les affuble (le « lobby juif », le « lobby sioniste », « les sionistes et leurs alliés », le « lobby pro-israélien », le « sionisme mondial », le « pouvoir juif », etc.).

    Dans les deux cas, en 1936-1939 et en 2002-2003, l’opposition à la guerre contre une dictature reconnue comme telle prend la forme d’une puissante vague « pacifïste  ». Si l’ennemi est « belliciste », et à ce titre monopolise le statut d’agresseur (réel ou potentiel), les anti-bellicistes se définissent eux-mêmes comme partisans de la paix.

    Face au messianisme démocratique à l’américaine, les plus gauchistes d’entre les pacifistes américanophobes recourent volontiers aux arguments de base de la « rhétorique réactionnaire », telle que l’a magistralement analysée Albert Hirschman. Toute tentative de modifier l’ordre international existant est récusée au nom de trois types d’arguments: le risque d’engendrer des effets contraires au but recherché (effet pervers); l’inutilité de l’action entreprise, supposée impuissante à modifier le statu quo (inanité); le risque de bouleverser une organisation fragile, représentant de précieux acquis (mise en péril). Si tout est inconditionnellement préférable à la guerre, alors la servitude est absolument légitimée. La prescription d’éviter la guerre à tout prix a conduit naguère nombre de bons esprits à célébrer les accords de Munich. Des socialistes pacifistes à l’extrême droite nationaliste.

    Le maurrassien Pierre Gaxotte écrivait dans Je suis partout daté du 30 septembre 1938: « Quant à nous, il n’y a plus, à nos yeux, que deux partis: ceux qui sont pour la France et ceux qui sont pour la guerre. » Quelques mois plus tard, Paul Ferdonnet, publiciste stipendié par l’Allemagne nazie, publiait La Guerre juive, qui commençait par ces propos dénués d’ambiguïté, datés de « Noël 1938 »: « [...] Ces parasites, ces étrangers, ces ennemis intérieurs, ces Maîtres tyranniques et ces spéculateurs impudents, qui ont misé, en septembre 1938, sur la guerre, sur leur guerre de vengeance et de profit, sur la guerre d’enfer de leur rêve messianique, ces bellicistes furieux, il faut avoir l’audace de se dresser sur leur passage pour les démasquer; et, lorsqu’on les a enfin reconnus, il faut avoir le courage de les désigner par leurs noms : ce sont les Juifs. »





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