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Comment je suis devenu sioniste
Comment je suis devenu sioniste
Il est inutile de ruser avec lHistoire, surtout lhistoire juivepar Luc Rosenzweig
Luc Rosenzweig est ancien journaliste au Monde, et co-auteur, avec Élie Barnavi, de France-Israël, une affaire passionnelle (éditions Perrin).
Voici comment je suis devenu sioniste. Absolument et, pour autant que lon puisse être le prophète de son propre destin, définitivement. Laffaire sest conclue le 7 avril 2002, aux alentours de 15 h, sur la place Bellecour, à Lyon.
Cétait la première fois, depuis bien longtemps, que je participais à une manifestation de rue sans stylo ni calepin, mû par la seule nécessité dêtre présent aux côtés de ceux qui avaient entendu lappel du Conseil représentatif des institutions juives de France. Le CRIF avait invité tous ceux qui avaient été choqués par la vague dagressions antisémites perpétrées les mois précédents contre des synagogues et des lieux culturels juifs dans plusieurs villes de France à venir protester, fermement mais dignement, dans les rues des principales cités du pays. Ce nest pas le pain quotidien de cette vénérable institution, plus à laise dans les palais nationaux que sur le parcours Nation-République, de faire descendre sur le pavé une foule de gens dont les préoccupations politiques, économiques, religieuses ou sociales sont aussi diverses, et même divergentes, que celles de lensemble de la société française.
Et pourtant, nous étions tous là, ou presque. Comme on lapprendra plus tard dans les bulletins dinformation, nous étions plus de dix mille à Lyon, et près de deux cent mille dans toute la France, selon la police, à avoir répondu à cet appel. Ce « nous », cest « nous », pas les autres. Car pour la première fois de ma vie de manifestant, qui avait commencé quarante ans plus tôt, dans ces même lieux, lors des défilés devant le « Veilleur de Pierre », statue symbolisant la Résistance sur cette même place Bellecour, pour protester contre les attentats de lOAS en 1962, je me retrouvais en compagnie exclusive de ceux que jai toujours du mal à appeler « mes coreligionnaires ». Oui, à quelques rarissimes exceptions près, nous nétions là que des Juifs : des jeunes, des vieux, des ashkénazes, des sépharades, des Loubavitch à chapeau noir et papillotes, des profs à lunettes cerclées dor, des soldeurs culottés, des vendeuses maquillées, des étudiants fauchés, des médecins bien installés.
Pour la première fois dans lHistoire de France, les Juifs de ce pays défilaient sans être mêlés à dautres gens partageant leurs angoisses et leur colère. Nous étions nombreux, très nombreux au regard des quelque 600 000 Juifs français composant cette « communauté » qui est loin den être une ; mais nous étions seuls. Je métais muni, pour loccasion, dun drapeau tricolore et dune pancarte confectionnée par mes soins, sur laquelle on pouvait lire : « France, ma patrie, Israël, mon espoir ». Très vite, elle servit de point de ralliement à des gens venus ici individuellement, qui ne se reconnaissaient dans aucun des groupes organisés participant au défilé bannière en tête. Leurs propos pouvaient se résumer à ce questionnement angoissé : « Que nous arrive-t-il donc ? Que nous vaut cet opprobre ? Quavons-nous fait de mal ? »
Les habitués des « manifs », ceux qui ne ratent jamais une occasion de protester contre les plans Juppé ou Allègre, de soutenir les sans-emploi, les sans-papiers ou les sans-logis, de fustiger lOMC, le FMI et les OGM, étaient restés chez eux. Oui, bien sûr, tous ces gens-là, ou presque, condamnaient on ne peut plus fermement les incendies de synagogues et les caillassages de bus délèves décoles juives : cétait inscrit noir sur blanc dans les communiqués de presse de leurs associations habituelles. Mais une petite phrase de lappel du CRIF avait fait rentrer tous ces escargots de la protestation humaniste et indignée dans leur coquille dindifférence : « Solidarité avec le peuple dIsraël ». On eût bien volontiers fait son devoir de manifestant, sil ne sétait agi que de recommencer, une fois de plus, le rituel antifasciste. Et encore, à condition, bien entendu, de ne pas désigner trop précisément les auteurs des actes en question, trop peu conformes au modèle déposé des ennemis répertoriés. Il nétait pas question, en revanche, de faire savoir à la ville et au monde que lon ressentait la moindre once de compassion à légard des victimes israéliennes dun terrorisme aveugle et sanglant. Ces hommes, ces femmes et ces enfants, supposés être les instruments volontaires et conscients de ce qui, selon ces « belles âmes », est la pire des politiques mises en uvre aujourdhui sur la planète - celle dAriel Sharon, de ses ministres, de ses généraux et de ses soldats -, nétaient pas dignes quon leur consacrât une parcelle, même infime, de son énergie militante.
Il était temps, donc - comment faire autrement dans ces circonstances ? -, dassumer, de revendiquer et de sarranger dans sa vie quotidienne de cet adjectif qualificatif, dont on eût préféré laisser la gestion aux historiens et aux professeurs de science politique : sioniste. Pourquoi, en effet, se réclamer dun mouvement politique, le sionisme, dont lobjectif, létablissement dun État juif sur la terre de Palestine, est accompli, clôturant ainsi le long et vif débat qui avait opposé, au sein du judaïsme, les partisans et adversaires de ce projet national élaboré et promu par Theodor Herzl ?
Le destin des mots étant ce quil est, cest-à-dire largement indépendant de la volonté de leur créateur, les tribulations du substantif « sionisme » et de son adjectif dérivé ont fini par les déposer dans le camp de leurs pires adversaires. Le sionisme a subi, comme beaucoup dautres ismes, le rejet lié à léchec des idéologies universelles et totalisantes, lui qui ne prétendait quà cimenter un projet géographiquement limité et politiquement pluraliste. Et peu à peu sest imposée dans les esprits une sorte dévidence : le sioniste était la mauvaise part du Juif, une catégorie verbale permettant de désigner commodément ceux dentre eux quil était permis de détester, de désigner à la vindicte des braves gens, sans pour autant donner prise au soupçon infamant dantisémitisme. Des résolutions de lONU, assimilant le sionisme au racisme, aux imprécations lancées dans les mosquées de Gaza, du Caire ou dailleurs, en passant par lhystérie antijuive de la conférence de Durban, son utilisation diffamatoire a fini par simposer comme allant de soit.
« Tu es juif, mais tu nes pas sioniste, hein ? » Cest ainsi quune collègue en charge du Moyen-Orient, par ailleurs plutôt bien disposée à mon égard, maccueillit, vaguement inquiète, lors de mon arrivée, en 1985, au service étranger du Monde. Je ne sais plus trop ce que je lui répondis alors, sans doute ai-je dû bredouiller que jétais en faveur de la reconnaissance du droit des Palestiniens à un État dans une partie de la terre située entre la Méditerranée et le Jourdain. Cela ne mangeait, comme on dit, pas de pain et remettait à une date ultérieure cette réponse que je me proposais de me donner à moi-même, en temps utile, de préférence le plus tard possible. Mais je me le tins pour dit, et évitai soigneusement, pendant les quinze ans où jappartins à la rédaction de ce quotidien, de mapprocher de trop près de sujets liés au conflit israélo-arabe, estimant que le lecteur navait pas à subir les conséquences des a priori, conscients ou inconscients, pouvant intervenir dans mon travail de journaliste. Jai, par la suite, constaté que dautres collègues, dans cette même rédaction et celles dautres grands journaux, voyaient les choses différemment, et ne sembarrassaient pas de ce genre de scrupules.
Pour être totalement honnête, cette question hamletienne du « être ou ne pas être sioniste », corollaire du « être ou ne pas être juif », sétait déjà présentée à plusieurs reprises sur le bord des chemins politiques et intellectuels que jai arpentés au fil du temps. Adhérent dans les années 60 de cette turbulente Union des étudiants communistes qui donna, pendant quelques années, bien du fil à retordre à la direction paléo-stalinienne du PCF, jy croisai des camarades de toutes tendances, trotskistes, maoïstes, « Italiens », parmi lesquels on trouvait de nombreux jeunes gens et jeunes filles « dorigine israélite », comme on disait encore à lépoque. Certains dentre eux ont, depuis, fait de brillantes carrières dans la politique, le journalisme ou la littérature. La question « identitaire » était alors réglée en trois coups de cuillère à pot, à laide dune ou deux citations de Rosa Luxemburg et dun usage simplifié des Réflexions sur la question juive de Sartre. Le Juif étant un produit de lantisémite, la disparition programmée de ce dernier, au besoin à laide de méthodes musclées, qui ne manquerait pas dêtre consécutive au « Grand Soir » ainsi quau renversement de la bureaucratie stalinienne et judéophobe, allait nous libérer à jamais de cette angoisse identitaire horriblement petite-bourgeoise. Mao-tsé-toung étant resté très discret sur le sujet, la question navait même pas lieu dêtre pour ceux qui, Juifs ou non, se réclamaient du Petit livre rouge. Quant à lÉtat dIsraël, il était situé sur le mauvais versant de la colline idéologique, cet ubac où erraient les spectres hideux du colonialisme, de limpérialisme et du capitalisme, alors que nous gambadions sur ladret radieux des progressistes et révolutionnaires de tous les pays.
Les premières secousses ébranlant cet édifice de certitudes se firent sentir en juin 1967, où la perspective de la disparition de lÉtat juif, si elle nous paraissait théoriquement juste, se révéla pour certains sentimentalement insupportable. La victoire de Tsahal provoqua donc un immense soulagement, car elle nous permettait de retourner lesprit apaisé à nos petites boutiques où mijotaient les petits plats qui allaient faire les délices de Mai 68. Sous-produit du « guévarisme » triomphant, la palestinophilie sorbonnarde ou germanopratine était dautant mieux portée que lon sétait aperçu quelle avait peu de chance de contribuer à rayer Israël de la carte. En revanche, se réclamer, dans ces mêmes cercles, du philosionisme des Guy Mollet, Defferre, Mitterrand ou Mendès France vous renvoyait illico à lenfer dune social-démocratie ringarde et sans avenir radieux.
Le lent et continu délitement des idéologies révolutionnaires allait faire surgir, chez nombre de ces Juifs français qui en avaient été les thuriféraires, un nouveau besoin : celui de définir le lieu où lon pourrait commencer - ou recommencer - à penser le monde à partir de lirréductibilité du destin de chaque Juif à son appartenance de classe, son enracinement régional ou ses comportements sexuels. Les orphelins de la Révolution créaient le MLF quand cétaient des orphelines, les homosexuels brandissaient la bannière du FHAR avant dêtre décimés par le sida, les plus avisés créaient des journaux, alors que dautres entamaient leur longue marche à travers les institutions.
La conquête du territoire imaginaire dune judéité réinventée sembla à quelques-uns une tâche noble et exaltante, en tout cas tout à fait susceptible de servir de méthadone à ces « junkies » dune théorie révolutionnaire démonétisée. Alors que certains saccrochaient au rafiot trotskiste comme des berniques à leur rocher, dautres trouvaient dans le retour au Talmud un chemin vers loubli et la consolation.
Avec quelques amis, nous décrétâmes alors quil fallait regarder vers New York plutôt que vers Jérusalem, étudier Woody Allen, Philip Roth, Saül Bellow et Isaac Bashevis Singer, et que, tout compte fait, la perspective de rester à Babylone était la seule porteuse davenir, pour nous-mêmes et pour lensemble du peuple juif. Cette attitude, outre les plaisirs intellectuels, culturels et touristiques quelle nous permettait de savourer, nous donnait lillusion déchapper élégamment au dilemme sionisme/antisionisme. Nous étions « a-sionistes », comme on dit agnostique : totalement incroyant mais sans hostilité particulière envers Dieu.
Ce culturalisme sybarite aurait très bien pu suffire à notre bonheur si, par ailleurs, les barbares moyen-orientaux sétaient fait lentement oublier après avoir bricolé lun de ces compromis boiteux qui font la tranquillité des petites et grandes nations. Évidemment, nous nétions pas parvenus à faire admettre quil y avait plusieurs maisons juives dans la demeure du Seigneur, et que la nôtre était la plus confortable, dautant plus quelle était construite dans une nation de haute culture gastronomique habitée par des gens desprit.
Cest à ce moment-là, au milieu des années quatre-vingt, que la rencontre avec Élie Barnavi allait mouvrir lhorizon dun sionisme à peu près acceptable, revêtu des habits des Lumières en lieu et place du lourd corset idéologique russo-polonais ou des redingotes noires du messianisme éternel. De la lecture de son Histoire moderne dIsraël, ainsi que des longues discussions qui nous ont réunis, et parfois opposés, tout au long de ces quinze années sest peu à peu imposée à moi lidée quil était inutile de ruser avec lHistoire, surtout lhistoire juive. Cest un peu grâce à lui quil mest facile de dire aujourdhui « Bonjour, Israël ! » sans pour autant renoncer au choix de mon lieu de résidence, et encore moins à mon droit de dire ce que je pense à ceux que je salue ainsi. Il nest jamais inutile dêtre poli.
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Commentaires
2visiteur_colombinLundi 24 Mars 2008 à 10:20Nous attendons à la suite de l'affaire Bruno Guigue votre nouveau texte:
COMMENT JE SUIS DEVENU UN DELATEUR3visiteur_alexVendredi 14 Novembre 2008 à 12:28magnifique !!! l'apologie du sionisme !!! c'est superbe, on ne parle pas du mur de la honte ? Du genocide palestinien, des pression sionistes sur les medias occidentaux ?
Internet diffuse des infos plus vite que l'on pense, UN JOUR PALESTINE VINCRA CAR ISRAEL EST ILLEGITIME ET TERORISTE .
signé UN PAUVRE FRANCAIS BLANC CATHOLIQUE4visiteur_fafaMardi 3 Mars 2009 à 06:29idiot utile , c'est bete5avrolJeudi 6 Janvier 2011 à 13:37L'épuration ethnique menée par des groupes terroristes sionistes et qui a procèdé à la création de "l'Etat d'Israël" a suivi de peu la lecture de la Déclaration Universelle des Droits de la Personne Humaine à la tribune de l'Assemblée Générale de l'Organisation des Nations Unies. Ce texte, adopté par l'Assemblée déclarait la colonisation et la guerre de conquête "crimes contre l'humanité".
Depuis, la colonisation n'a jamais cessé, empruntant des formes de moins en moins sournoises.
Les crimes d'Israël.6quetzalSamedi 31 Décembre 2011 à 14:26Les sionistes donneurs de leçons devraient ouvrir les yeux sur la réalité de la Palestine.7GUIDOMercredi 27 Juillet 2016 à 03:448madeleineJeudi 15 Juin 2017 à 15:45Je vois que tous les tarés, dégénérés et malades mentaux, ainsi que tous les frustrés, aigris, loosers, se sont donné rendez-vous sur ce site. Ouvrez donc un livre d'Histoire pour une fois, vous y apprendrez qu'Israël existe depuis 3500 ans. A l'époque ce pays s'appelait la "Judée-Samarie" et ses habitants, Juifs, s'appelaient les "Hébreux. Les imposteurs qui se prétendent "palestiniens" sont tous issus d'Arabie saoudite et d'Egypte (comme Yasser Arafat, né en Egypte qui se prétendait "palestinien".
Les arabo-musulmans ont toujours volé la terres des autres, comme le Maghreb (Maroc, Tunisie, Algérie), volé aux Berbères, ou la Syrie, Irak, Libye, volé aux Chrétiens, présents sur ces Terres depuis 2000 ans. Comme ils veulent voler la France (c'est en bonne voie). Et toi "le petit blanc catholique", occupe toi de ta France en voie de colonisation par les islamistes que tu défends si bien, au lieu de t'occuper d'un peuple fantôme soi-disant "palestinien". Les seuls "palestiniens" historiques sont les Juifs (Hébreux), appelés à la suite d'une guerre gagnée par les Romains "palestiniens". Pauvre petit blanc catholique mais surtout ignorant.
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Je suis de tout coeur avec vous
daniele