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Infos du 04/12/06
Olmert : la retenue se poursuivra malgré les réserves de Tsahal
Le quotidien Maariv relate le déroulement de la réunion du cabinet, hier, où un grave désaccord est apparu entre le Premier ministre, Ehud Olmert, et le ministre de la Défense, Amir Peretz, quant à la stratégie militaire souhaitable à Gaza. Exprimant l'opinion de Tsahal, le ministre de la Défense a proposé de permettre à Tsahal d'opérer dans la bande de Gaza malgré le cessez-le-feu pour déjouer des tirs imminents de roquettes Qassam.
Depuis le début de la trêve, note le Maariv, 15 roquettes Qassam ont été tirées sur le sud d'Israël. Selon le Yediot Aharonot, ces tirs sont effectués par un groupuscule du Fatah, piloté par le Jihad Islamique et aidée par le Hezbollah. Le Haaretz ajoute qu'au moins une roquette a été tirée hier vers le Néguev occidental.
Tzipi Livni aux ministres : arrêtez de vous exprimer sur le Liban
Le Yediot rapporte qu'Israël se garde d'intervenir dans la crise libanaise malgré sa crainte que l'Iran réussisse, par le biais du Hezbollah, à faire tomber le gouvernement Seniora et à prendre le contrôle sur ce pays.
Au cours de la réunion gouvernementale hier, la ministre des Affaires étrangères Livni a appelé ses collègues à ne pas afficher publiquement leur soutien à Seniora, car ce genre de propos ne fera que l'affaiblir.
En dépit de l'appel de Mme Livni, les ministres se sont beaucoup exprimés à ce sujet, le ministre Eli Yishaï (Shass) appelant à « ne pas rester passifs et de se préparer à la possibilité d'un coup d'Etat au Liban ».
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L'antisémitisme dans le stade ou l'image de la France d'aujourd'hui
Par David Alia
Je vais vous la jouer
comme Beckhamclassique : jai une bonne et une mauvaise nouvelle, je commence par laquelle ?87 % des sondés préfèrent commencer par la bonne, estimant que lendorphine sécrétée par icelle atténuera la tristesse de lannonce de la mauvaise. Nous allons tenter lexpérience.
La bonne nouvelle
Jétais au fameux match PSG - Hapoel Tel Aviv du jeudi 23/11 dernier. Dans la tribune collée à celle dAuteuil. Alors pour les néophytes du football (dont je faisais partie il y a encore quelques jours), on distingue au Parc des Princes deux types de gros cons tarés écervelés : le kop de Boulogne, crâne rasé, bras droit tendu, ce sont les nazillons dont la presse a abondamment parlé. La tribune dAuteuil, à lautre extrémité du stade, ce sont les gentils supporters, concons mais gentils. Ils sautillent en chantant gaiment des chansons, ils insultent léquipe extérieure mais après tout, on est au foot.
La bonne nouvelle est donc maigre, mais elle ma terriblement ravi : Hapoel Tel-Aviv bat le PSG par quatre buts à deux, quatre buts magnifiques devant une équipe du PSG fébrile voire inexistante. Hapoel Tel-Aviv, à poil PSG !
La mauvaise nouvelle
La mauvaise nouvelle, cest que ce que vous a raconté la presse est ignoblement faux. FAUX. Et je pèse mes mots volontairement.
La presse a voulu nous et vous faire croire que le dérapage mortel de jeudi dernier était dû à la violence nauséabonde (car brutale mais surtout raciste) dun groupe de hooligans du kop de Boulogne. Certains titres sur le net fleurissent sous la bride hooliganisme.
Ceci, amis lecteurs, est FAUX. Je le redis encore une fois, ceci est archi-faux et quelquun se devait de le dire. Je pense que nombre de spectateurs dans le stade le feront également sur les médias idoines, mais je profite du support de mon blog pour laffirmer encore une fois : le match de jeudi dernier ne sest pas conclu par un affrontement entre des hooligans cinglés et furieux et un pauvre juif, aidé courageusement par un policier martiniquais providentiel.
Ce match était le plus grand déferlement de haine anti-juive quil mait été donné de voir en direct live. Je le redis parce que vous devez écarquiller vos yeux en ce moment : ce match était le plus grand déferlement de haine anti-juive quil mait été donné de voir en direct live.
Tout dabord une précaution. Ceux qui me lisent régulièrement interpréteront ce qui va suivre, jen suis sûr, positivement. Que les lecteurs ponctuels ou instables me permettent de préciser quil a toujours été prôné et vanté ici le respect entre les peuples, et principalement le respect entre les hommes (ou femmes) quels quils soient. Enfin, que cet article nest ni un acte de propagande ni une histoire pour faire peur aux enfants lorsquils sont trop bruyants. Juste un témoignage vrai et douloureux.
Peut-être que tout ceci naurait pas eu lieu si le PSG avait gagné. Pour ma part, que cette équipe gagne ou perde, je men bats les roubignolles comme dit mon beau-frère, 22 ans, fan du PSG et présent le soir du match. Peut-être, admettons. Pourtant
Nous étions un groupe de dix, deux filles, deux séniors, une rimbambelle de jeunes échelonnée de 35 à 18 ans. Lun dentre nous avait apporté un drapeau israélien, que nous avons agité timidement lors des deux derniers buts.
Juste derrière nous, la tribune Auteuil. En haut des gradins, des jeunes avec des drapeaux palestiniens et libanais exhibés avec fierté. Quest-ce quils font là ? Qui comptent-ils narguer ?
Mais restons factuels. Pendant le match, je vois les insultes fuser entre le balcon haut et le balcon bas. Des doigts dhonneur à tout bout de champ. Les supporters juifs français sont désignés, jentends vociférer des trucs incroyables, tellement incroyables que la sécurité du stade est intervenue de manière préventive pour empêcher des types de franchir des barrières pour jouer des coudes et des poings.
Le match se termine dans une minute. En sortant à la dérobée, vous avez bien lu, nous avons dû sortir avant la fin du match, nous nous scindons en deux petits groupes pour ne pas attirer lattention. Les supporters modérés partent également. Nous accélérons la cadence. Nous sommes dehors, tribune G, à deux cents mètres du métro. La foule commence à grossir, le match est terminé. Des commentateurs de fortune pestent contre léquipe pourrie et lentraîneur qui devrait démissionner. La place est peu éclairée, en retrait des routes principales. Nous baissons la tête et nous nous écartons des endroits sombres.
Et puis, ça a dégénéré.
On entend crier Palestine, Ils sont où vos drapeaux maintenant ? ou Allez les juifs, vous faites moins les malins maintenant !. Les types sont derrière moi. Une écharpe du PSG autour du visage ou du cou, ils cherchent laltercation. Les embrouilles, la castagne comme on dit. Sauf que la castagne, ça peut être pour ma gueule vu quils sont juste sur mes talons.
Vous êtes où les juifs hein ? continuent-ils à brailler. Cest un groupe de jeunes arabes qui sapprochent dune fille, probablement juive, qui téléphone et qui lui balancent une claque dans la figure. Ils sont où vos drapeaux hein ?, je les entends dans mon oreille, je rentre la tête dans mon blouson, je mécarte sans courir et me dirige vers le métro. Sur toute la route, pas un policier. PAS UN.
Lautre moitié de notre groupe avait avancé séparément. Un père avec ses deux enfants (18 et 20 ans), et ses deux gendres. A quelques mètres de la police, à la porte de Saint-Cloud, Anthony (20 ans) se fait happer par un groupe de 4 jeunes. Ce ne sont pas des fachos, des skin heads, des lepénistes, non. Ce sont des fans moyens du PSG, arabes, haineux et déchaînés. Anthony se prend des coups au visage et dans le ventre. La famille le récupère tant bien que mal et se précipite vers la police, immobile, inactive. Ils sont attérés.
Je rentre chez moi par le bus, je me cache. Je le redis encore une fois : en 2006, en France, dans un bus public, je me cache dêtre juif de peur de me faire prendre à parti (terme politiquement correct pour bastonner). Vous allez me dire : mais ce nest pas écrit sur ta figure que tu es juif ! Erreur, lourde erreur. Dabord jai un gros nez. Ensuite, japprends par un collègue qui était au match, non-juif mais supporter inconditionnel du PSG, que certaines personnes qui portaient le maillot PSG mais dallure juive ont également été frappées.
La bête est revenue, chantait lami Pierre Perret. En pensant étroitement aux fachos et leur tête pensante à loeil de verre. Mais lhydre a plusieurs têtes, et ce soir-là, cétait un visage horrible que jai reconnu, celui de la haine sans concession dacteurs du paysage français que nous cotoyons quotidiennement. Ceux que les médias appellent les jeunes ou les racailles, qui entretiennent et vouent une haine inconditionnelle à ceux que les médias pointent délicatement sous le terme dIsraélites.
Vous ne le savez peut-être pas, ami(e) lecteur(e), mais depuis quatre jours, je nai pas entendu un seul juif, PAS UN SEUL, qui nait pas parlé de ce match, quil y ait été présent ou non. Cest une vraie déchirure, un vrai traumatisme que toute la communauté a ressenti depuis la semaine dernière et si les informations de 20h ou votre journal favori nen parlent pas, il est grand temps que la vérité éclate. A travers de nombreux témoignages comme le mien que vous trouverez probablement sur le net ou en vous adressant au juif le plus proche de chez vous.
Que faire alors ? Fuir, se barrer en Israel, au Canada, aux Etats-Unis ? Résister et se battre avec des gars du Bétar ? Vivre la tête baissée dans sa capuche, honteux ? Vous me croyez si je vous dis que jai une boule dans lestomac et un noeud dans le coeur depuis quatre jours ?
Et le pompon sur le gâteau : à la sortie du match, jentends un supporter éclairé déclamer quels sales juifs, ils nous ont mis 4 buts. Quelle ironie, ce ne sont pas des Juifs qui ont joué mais des Israéliens. Et les buts ont été inscrits par deux joueurs Arabes, ne serait-ce que pour prouver que cette vie harmonieuse est possible, et de surcroît dans le sport.
Ben finalement jaurais peut-être dû commencer par la mauvaise nouvelle tiens. Ca nous aurait laissé un peu despoir sur la fin.
Parce que là, lespoir
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Lidentité juive est-elle un des facteurs de lantisémitisme ?Un texte dAvraham B. Yehoshua relance le débat sur les causes de la haine des Juifspar Michel Abitbol
Michel Abitbol est professeur à lUniversité hébraïque de Jérusalem. Dernier ouvrage paru : Les amnésiques. Juifs et Arabes à lombre du conflit du Proche-Orient (Éd. Perrin).
Lantisémitisme. Encore et toujours. Pourquoi ? Il a fallu beaucoup de courage à Avraham B. Yehoshua pour tenter dexpliquer ce phénomène en pointant du doigt les Juifs, leur personnalité et leur identité, et non pas, comme on a généralement lhabitude de le faire, en analysant le comportement des antisémites et leurs mobiles religieux, économiques et politiques. Véritable pavé dans la mare des spécialistes, létude de Yehoshua intitulée « Essai de définition et dexplication structurelle de lantisémitisme » (1) a été publiée cet été par la revue de Tel-Aviv Alpayim qui, consciente des remous que le texte du grand écrivain nallait pas manquer de susciter, a pris soin de laccompagner dun riche échantillon de commentaires émanant déminents historiens israéliens de lantisémitisme.
Tout en rendant hommage à la clarté desprit de lauteur de LAmant et de Monsieur Mani, et à son effort de démontrer lexistence dun soubassement structurel unique commun à lensemble des manifestations de lantisémitisme, la plupart des historiens nacceptent pas la thèse de Yehoshua qui fait porter, dune certaine façon, aux Juifs eux-mêmes la responsabilité de la peur et des fantasmes quils suscitent autour deux.
Reposant sur une double dimension, religieuse et nationale, aux composantes le plus souvent imaginaires, lidentité juive selon Yehoshua a ceci de particulier quelle apparaît aux yeux des non-Juifs comme un phénomène amorphe et fantasque. Cela a pour effet de les déstabiliser et, pour peu que leur propre vision du monde soit trouble, le contact avec cette identité juive insaisissable peut les conduire jusquà des actes de démence. Le Juif, écrit Yehoshua, dans une belle envolée lyrique, se dresse comme « un texte troué de blancs qui appelle des lectures multiples et diverses au gré des besoins psychiques du lecteur ».
Sans doute la faiblesse méthodologique la plus frappante de la thèse de Yehoshua a-t-elle trait à sa vision a-historique du phénomène antisémite où il tend à englober toutes les formes de haine antijuive à travers lhistoire, depuis lAntiquité jusquà nos jours, incluant pêle-mêle la Perse dAssuérus et dAman selon le Livre dEsther, les persécutions de lÉglise, les massacres almohades, lexpulsion dEspagne, les pogroms de Russie et de Pologne, lahoah, lantisionisme musulman, et jusquà la très récente déclaration scandaleuse du compositeur grec Mikis Theodorakis pour qui tout le mal dans le monde vient des Juifs. Or, jusquà lépoque moderne, lui rétorquent justement Yehuda Bauer, Israël Yuval, Shulamit Volkov et dautres, cest bien le Juif en chair et en os, ennemi de la Croix et du Croissant, et non le Juif à lidentité « imaginaire » ou « virtuelle », qui est la cible de ses adversaires chrétiens et musulmans.
Un Juif bien réel donc, et néanmoins démoniaque, non pas à cause du double ancrage religieux et national de son identité (qui, après tout, ne le distinguait guère du Polonais et du Croate catholiques, ou du Serbe, du Russe et du Grec orthodoxes) mais parce que, pendant lAntiquité, il est différent, par son monothéisme, des peuples « païens » qui lentourent ; puis, depuis la généralisation du monothéisme dans le monde à la suite de lavènement du christianisme et de lislam, parce quil est tenu pour déicide et condamné à errer dun pays à lautre, porteur de la malédiction divine.
Cest seulement avec lirruption du sentiment national en Europe, et avec la sécularisation de la société, à partir du XVIIIe siècle, rappellent Israël Bartal et Robert Wistrich, que les Juifs sont appelés à affronter lantisémitisme dont parle Yehoshua. Une judéophobie dun type nouveau - malgré quelques ressemblances de façade avec les formes anciennes de haine antijuive - dont la gravité et les conséquences tragiques ne devrait pas faire oublier, souligne Shulamit Volkov, que lidentité juive « incriminée » par lécrivain na guère empêché les Juifs de connaître, en Europe et en Amérique, deux siècles dun extraordinaire épanouissement économique, politique, social, intellectuel et artistique.
Cela dit, et tout le monde en convient, ce nest pas à une révision de lhistoire juive ni à un ré-examen de nos connaissances sur lantisémitisme que Yehoshua convie ses lecteurs. Son objectif est plus restreint et plus ambitieux à la fois. À savoir : dévoiler la « racine profonde », le code ADN de lantisémitisme, afin de fabriquer la « clef » adéquate permettant den freiner les débordements, ceux notamment en rapport avec lantisionisme daujourdhui. Une approche « essentialiste », dont le bien-fondé est contesté par Peter Schaeffer pour qui, depuis lÉgypte ancienne jusquà lAllemagne contemporaine, la diabolisation du Juif na guère eu besoin de la médiation de lidentité juive pour se déclencher.
Lantisémitisme est laffaire des non-Juifs et non des Juifs, soutient pour sa part Dina Porat, qui rappelle à ce sujet le mot célèbre et néanmoins très réducteur de Jean-Paul Sartre dans ses Réflexions sur la question juive : « Un Juif est un homme que les autres hommes tiennent pour Juif ». En dautres termes : cest le Juif « inventé » et imaginé par les non-Juifs qui est la cause de lantisémitisme, et non pas lidentité juive imaginée par les Juifs.
Assurément, A.B. Yehoshua ne jette pas le voile sur la responsabilité des non-Juifs ; mais il nen considère pas moins que, pour mettre fin à lantisémitisme, les Juifs se doivent de prendre les devants et réformer leur identité en réduisant les éléments « imaginaires » et « virtuels » qui la composent, et surtout en en dissociant laspect national de laspect religieux. Tel est le sens, après tout, de la révolution sioniste, rappelle lauteur du Voyage vers lan mil qui, excellent romancier, imagine, à la fin de son essai, une « réunion au sommet » des Sages dIsraël, depuis Abraham et Moïse jusquaux grands maîtres de la Haskala, en passant par les rabbins de la Mishna et du Talmud, Saadia Gaon, Maïmonide, Nahmanide, Sabbataï Zevi, Rabbi Nahman de Bratslav etc., auxquels on montrerait un documentaire sur la Shoah. La projection terminée, toutes les personnes présentes seraient priées de répondre à une seule question : auriez-vous agi différemment pour éviter cette terrible catastrophe que lon vient de vous révéler ? La plupart dentre elles, pense Yehoshua, auraient déploré de navoir pas mis suffisamment laccent, durant leur vie, sur lindispensable regroupement des Juifs en Terre sainte et sur les menaces quimplique leur dispersion à travers le monde...
Sioniste « néo-cananéen », comme le qualifie Shlomo Avinéri, aspirant à un État dIsraël « normalisé » et passablement coupé de ses racines diasporiques, A. B. Yehoshua ne cache pas sa peine devant les retombées mystiques et religieuses de la guerre des Six Jours (juin 1967) qui ont altéré lidentité israélienne telle quelle avait été voulue par les pères du sionisme : « Voilà, déplore-t-il, que nous retombons dans cet ancien modèle qui génère et aggrave le caractère virtuel et indéterminé (de lidentité juive) et vers lequel tendent également, pour notre plus grand malheur, quelques-uns de nos voisins tout aussi perturbés. »
Nourri des mêmes fantasmes générés par la double structure de lidentité juive, lantisionisme musulman daujourdhui, comme lantisémitisme chrétien dhier, risque de déboucher sur une nouvelle catastrophe de même envergure que la Shoah. Dautant que, écrit-il, avec la dissémination des armes de destruction massive, « la possibilité danéantissement devient de plus en plus simple et accessible à tous ».
Une conclusion un peu trop hâtive, nous semble-t-il. Traversant à grandes enjambées lhistoire contemporaine, Yehoshua donne limpression dêtre prisonnier de son propre modèle dexplication, qui le conduit à une vision répétitive et, somme toute, « catastrophaliste » de lhistoire. Or, pour le meilleur comme pour le pire, le monde ne reviendra pas à ce quil a été avant la seconde guerre mondiale - et, liant son sort de bon ou de mauvais gré à un État dIsraël regroupant désormais une grande partie du peuple juif, la diaspora ne redeviendra jamais ce quelle a été jusquà la Shoah.
Les Juifs ont disparu de bien des pays où ils étaient encore fort nombreux jusquau lendemain de la seconde guerre mondiale. Mais cela na pas empêché ces pays, comme la Pologne durant les années Gomulka, de verser dans un antisémitisme viscéral qui - cest le moins que lon puisse dire - na point été tributaire des débats dun autre temps sur lambiguïté imaginaire de lidentité juive. Que dire aussi, à ce propos, de certains pays arabes qui nont jamais connu de Juifs depuis la mort du Prophète, comme lArabie saoudite dOussama Ben Laden, ou encore des États du Proche-Orient où toute présence juive a pratiquement cessé depuis la fin des années 1960 ? Y était-il indispensable de côtoyer des Juifs (auxquels, soit dit en passant, lislam na jamais conféré dautre identité que religieuse) pour sadonner à un antisémitisme effréné qui, de nos jours, na même plus besoin de se cacher derrière les habits usés de lantisionisme ?
1. Le texte est paru, presque simultanément, dans un recueil de trois textes dAvraham B. Yehoshua intitulé Israël : un examen oral (traduit par Denis Charbit, aux éditions Calmann-Lévy).
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Comment je suis devenu sioniste
Il est inutile de ruser avec lHistoire, surtout lhistoire juivepar Luc Rosenzweig
Luc Rosenzweig est ancien journaliste au Monde, et co-auteur, avec Élie Barnavi, de France-Israël, une affaire passionnelle (éditions Perrin).
Voici comment je suis devenu sioniste. Absolument et, pour autant que lon puisse être le prophète de son propre destin, définitivement. Laffaire sest conclue le 7 avril 2002, aux alentours de 15 h, sur la place Bellecour, à Lyon.
Cétait la première fois, depuis bien longtemps, que je participais à une manifestation de rue sans stylo ni calepin, mû par la seule nécessité dêtre présent aux côtés de ceux qui avaient entendu lappel du Conseil représentatif des institutions juives de France. Le CRIF avait invité tous ceux qui avaient été choqués par la vague dagressions antisémites perpétrées les mois précédents contre des synagogues et des lieux culturels juifs dans plusieurs villes de France à venir protester, fermement mais dignement, dans les rues des principales cités du pays. Ce nest pas le pain quotidien de cette vénérable institution, plus à laise dans les palais nationaux que sur le parcours Nation-République, de faire descendre sur le pavé une foule de gens dont les préoccupations politiques, économiques, religieuses ou sociales sont aussi diverses, et même divergentes, que celles de lensemble de la société française.
Et pourtant, nous étions tous là, ou presque. Comme on lapprendra plus tard dans les bulletins dinformation, nous étions plus de dix mille à Lyon, et près de deux cent mille dans toute la France, selon la police, à avoir répondu à cet appel. Ce « nous », cest « nous », pas les autres. Car pour la première fois de ma vie de manifestant, qui avait commencé quarante ans plus tôt, dans ces même lieux, lors des défilés devant le « Veilleur de Pierre », statue symbolisant la Résistance sur cette même place Bellecour, pour protester contre les attentats de lOAS en 1962, je me retrouvais en compagnie exclusive de ceux que jai toujours du mal à appeler « mes coreligionnaires ». Oui, à quelques rarissimes exceptions près, nous nétions là que des Juifs : des jeunes, des vieux, des ashkénazes, des sépharades, des Loubavitch à chapeau noir et papillotes, des profs à lunettes cerclées dor, des soldeurs culottés, des vendeuses maquillées, des étudiants fauchés, des médecins bien installés.
Pour la première fois dans lHistoire de France, les Juifs de ce pays défilaient sans être mêlés à dautres gens partageant leurs angoisses et leur colère. Nous étions nombreux, très nombreux au regard des quelque 600 000 Juifs français composant cette « communauté » qui est loin den être une ; mais nous étions seuls. Je métais muni, pour loccasion, dun drapeau tricolore et dune pancarte confectionnée par mes soins, sur laquelle on pouvait lire : « France, ma patrie, Israël, mon espoir ». Très vite, elle servit de point de ralliement à des gens venus ici individuellement, qui ne se reconnaissaient dans aucun des groupes organisés participant au défilé bannière en tête. Leurs propos pouvaient se résumer à ce questionnement angoissé : « Que nous arrive-t-il donc ? Que nous vaut cet opprobre ? Quavons-nous fait de mal ? »
Les habitués des « manifs », ceux qui ne ratent jamais une occasion de protester contre les plans Juppé ou Allègre, de soutenir les sans-emploi, les sans-papiers ou les sans-logis, de fustiger lOMC, le FMI et les OGM, étaient restés chez eux. Oui, bien sûr, tous ces gens-là, ou presque, condamnaient on ne peut plus fermement les incendies de synagogues et les caillassages de bus délèves décoles juives : cétait inscrit noir sur blanc dans les communiqués de presse de leurs associations habituelles. Mais une petite phrase de lappel du CRIF avait fait rentrer tous ces escargots de la protestation humaniste et indignée dans leur coquille dindifférence : « Solidarité avec le peuple dIsraël ». On eût bien volontiers fait son devoir de manifestant, sil ne sétait agi que de recommencer, une fois de plus, le rituel antifasciste. Et encore, à condition, bien entendu, de ne pas désigner trop précisément les auteurs des actes en question, trop peu conformes au modèle déposé des ennemis répertoriés. Il nétait pas question, en revanche, de faire savoir à la ville et au monde que lon ressentait la moindre once de compassion à légard des victimes israéliennes dun terrorisme aveugle et sanglant. Ces hommes, ces femmes et ces enfants, supposés être les instruments volontaires et conscients de ce qui, selon ces « belles âmes », est la pire des politiques mises en uvre aujourdhui sur la planète - celle dAriel Sharon, de ses ministres, de ses généraux et de ses soldats -, nétaient pas dignes quon leur consacrât une parcelle, même infime, de son énergie militante.
Il était temps, donc - comment faire autrement dans ces circonstances ? -, dassumer, de revendiquer et de sarranger dans sa vie quotidienne de cet adjectif qualificatif, dont on eût préféré laisser la gestion aux historiens et aux professeurs de science politique : sioniste. Pourquoi, en effet, se réclamer dun mouvement politique, le sionisme, dont lobjectif, létablissement dun État juif sur la terre de Palestine, est accompli, clôturant ainsi le long et vif débat qui avait opposé, au sein du judaïsme, les partisans et adversaires de ce projet national élaboré et promu par Theodor Herzl ?
Le destin des mots étant ce quil est, cest-à-dire largement indépendant de la volonté de leur créateur, les tribulations du substantif « sionisme » et de son adjectif dérivé ont fini par les déposer dans le camp de leurs pires adversaires. Le sionisme a subi, comme beaucoup dautres ismes, le rejet lié à léchec des idéologies universelles et totalisantes, lui qui ne prétendait quà cimenter un projet géographiquement limité et politiquement pluraliste. Et peu à peu sest imposée dans les esprits une sorte dévidence : le sioniste était la mauvaise part du Juif, une catégorie verbale permettant de désigner commodément ceux dentre eux quil était permis de détester, de désigner à la vindicte des braves gens, sans pour autant donner prise au soupçon infamant dantisémitisme. Des résolutions de lONU, assimilant le sionisme au racisme, aux imprécations lancées dans les mosquées de Gaza, du Caire ou dailleurs, en passant par lhystérie antijuive de la conférence de Durban, son utilisation diffamatoire a fini par simposer comme allant de soit.
« Tu es juif, mais tu nes pas sioniste, hein ? » Cest ainsi quune collègue en charge du Moyen-Orient, par ailleurs plutôt bien disposée à mon égard, maccueillit, vaguement inquiète, lors de mon arrivée, en 1985, au service étranger du Monde. Je ne sais plus trop ce que je lui répondis alors, sans doute ai-je dû bredouiller que jétais en faveur de la reconnaissance du droit des Palestiniens à un État dans une partie de la terre située entre la Méditerranée et le Jourdain. Cela ne mangeait, comme on dit, pas de pain et remettait à une date ultérieure cette réponse que je me proposais de me donner à moi-même, en temps utile, de préférence le plus tard possible. Mais je me le tins pour dit, et évitai soigneusement, pendant les quinze ans où jappartins à la rédaction de ce quotidien, de mapprocher de trop près de sujets liés au conflit israélo-arabe, estimant que le lecteur navait pas à subir les conséquences des a priori, conscients ou inconscients, pouvant intervenir dans mon travail de journaliste. Jai, par la suite, constaté que dautres collègues, dans cette même rédaction et celles dautres grands journaux, voyaient les choses différemment, et ne sembarrassaient pas de ce genre de scrupules.
Pour être totalement honnête, cette question hamletienne du « être ou ne pas être sioniste », corollaire du « être ou ne pas être juif », sétait déjà présentée à plusieurs reprises sur le bord des chemins politiques et intellectuels que jai arpentés au fil du temps. Adhérent dans les années 60 de cette turbulente Union des étudiants communistes qui donna, pendant quelques années, bien du fil à retordre à la direction paléo-stalinienne du PCF, jy croisai des camarades de toutes tendances, trotskistes, maoïstes, « Italiens », parmi lesquels on trouvait de nombreux jeunes gens et jeunes filles « dorigine israélite », comme on disait encore à lépoque. Certains dentre eux ont, depuis, fait de brillantes carrières dans la politique, le journalisme ou la littérature. La question « identitaire » était alors réglée en trois coups de cuillère à pot, à laide dune ou deux citations de Rosa Luxemburg et dun usage simplifié des Réflexions sur la question juive de Sartre. Le Juif étant un produit de lantisémite, la disparition programmée de ce dernier, au besoin à laide de méthodes musclées, qui ne manquerait pas dêtre consécutive au « Grand Soir » ainsi quau renversement de la bureaucratie stalinienne et judéophobe, allait nous libérer à jamais de cette angoisse identitaire horriblement petite-bourgeoise. Mao-tsé-toung étant resté très discret sur le sujet, la question navait même pas lieu dêtre pour ceux qui, Juifs ou non, se réclamaient du Petit livre rouge. Quant à lÉtat dIsraël, il était situé sur le mauvais versant de la colline idéologique, cet ubac où erraient les spectres hideux du colonialisme, de limpérialisme et du capitalisme, alors que nous gambadions sur ladret radieux des progressistes et révolutionnaires de tous les pays.
Les premières secousses ébranlant cet édifice de certitudes se firent sentir en juin 1967, où la perspective de la disparition de lÉtat juif, si elle nous paraissait théoriquement juste, se révéla pour certains sentimentalement insupportable. La victoire de Tsahal provoqua donc un immense soulagement, car elle nous permettait de retourner lesprit apaisé à nos petites boutiques où mijotaient les petits plats qui allaient faire les délices de Mai 68. Sous-produit du « guévarisme » triomphant, la palestinophilie sorbonnarde ou germanopratine était dautant mieux portée que lon sétait aperçu quelle avait peu de chance de contribuer à rayer Israël de la carte. En revanche, se réclamer, dans ces mêmes cercles, du philosionisme des Guy Mollet, Defferre, Mitterrand ou Mendès France vous renvoyait illico à lenfer dune social-démocratie ringarde et sans avenir radieux.
Le lent et continu délitement des idéologies révolutionnaires allait faire surgir, chez nombre de ces Juifs français qui en avaient été les thuriféraires, un nouveau besoin : celui de définir le lieu où lon pourrait commencer - ou recommencer - à penser le monde à partir de lirréductibilité du destin de chaque Juif à son appartenance de classe, son enracinement régional ou ses comportements sexuels. Les orphelins de la Révolution créaient le MLF quand cétaient des orphelines, les homosexuels brandissaient la bannière du FHAR avant dêtre décimés par le sida, les plus avisés créaient des journaux, alors que dautres entamaient leur longue marche à travers les institutions.
La conquête du territoire imaginaire dune judéité réinventée sembla à quelques-uns une tâche noble et exaltante, en tout cas tout à fait susceptible de servir de méthadone à ces « junkies » dune théorie révolutionnaire démonétisée. Alors que certains saccrochaient au rafiot trotskiste comme des berniques à leur rocher, dautres trouvaient dans le retour au Talmud un chemin vers loubli et la consolation.
Avec quelques amis, nous décrétâmes alors quil fallait regarder vers New York plutôt que vers Jérusalem, étudier Woody Allen, Philip Roth, Saül Bellow et Isaac Bashevis Singer, et que, tout compte fait, la perspective de rester à Babylone était la seule porteuse davenir, pour nous-mêmes et pour lensemble du peuple juif. Cette attitude, outre les plaisirs intellectuels, culturels et touristiques quelle nous permettait de savourer, nous donnait lillusion déchapper élégamment au dilemme sionisme/antisionisme. Nous étions « a-sionistes », comme on dit agnostique : totalement incroyant mais sans hostilité particulière envers Dieu.
Ce culturalisme sybarite aurait très bien pu suffire à notre bonheur si, par ailleurs, les barbares moyen-orientaux sétaient fait lentement oublier après avoir bricolé lun de ces compromis boiteux qui font la tranquillité des petites et grandes nations. Évidemment, nous nétions pas parvenus à faire admettre quil y avait plusieurs maisons juives dans la demeure du Seigneur, et que la nôtre était la plus confortable, dautant plus quelle était construite dans une nation de haute culture gastronomique habitée par des gens desprit.
Cest à ce moment-là, au milieu des années quatre-vingt, que la rencontre avec Élie Barnavi allait mouvrir lhorizon dun sionisme à peu près acceptable, revêtu des habits des Lumières en lieu et place du lourd corset idéologique russo-polonais ou des redingotes noires du messianisme éternel. De la lecture de son Histoire moderne dIsraël, ainsi que des longues discussions qui nous ont réunis, et parfois opposés, tout au long de ces quinze années sest peu à peu imposée à moi lidée quil était inutile de ruser avec lHistoire, surtout lhistoire juive. Cest un peu grâce à lui quil mest facile de dire aujourdhui « Bonjour, Israël ! » sans pour autant renoncer au choix de mon lieu de résidence, et encore moins à mon droit de dire ce que je pense à ceux que je salue ainsi. Il nest jamais inutile dêtre poli.
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